Cezanne, Tenir le motif

Cezanne est mort il y a 119 ans.
Autant le dire tout net, notre manifestation ne correspond à aucun anniversaire.
Mais Cezanne, c'est un peu la fête tous les jours tant il irrigue en profondeur la création contemporaine en général, et la vie des Aixois en particulier. À tel point qu'aujourd'hui, lorsque l'on est devant la Sainte-Victoire, on ne sait plus si on se trouve devant une montagne ou une toile de Cezanne. Pablo Picasso disait de Cezanne qu'il était « notre père à tous ». Il s'est trompé. C'est notre mère à tous, il a engendré des générations d'artistes lointaines ( Braque, Matisse, Léger... ) et toutes proches ( Goldin, Sherman, Alÿs... ). C'est notre mère, car il a accouché d'une nouvelle manière de voir le monde.

Ce qui est frappant à Aix-en-Provence, c'est la façon, là encore, dont plusieurs générations dialoguent avec Cezanne, entretiennent avec lui et son œuvre un lien intime.
Peintre local qui n'a pas ignoré que nul n'est prophète en son pays, Cezanne est devenu un peintre universel qui s'adresse au cœur de chacun. Vers la fin de sa vie, sentant le poids des années, il écrivait, tel Dalida, « je veux mourir en peignant », sans savoir qu'il serait à̀ Aix-en-Provence pour l'éternité́.
Et puisque, comme pour la Bible, tout a déjà été dit et écrit sur Cezanne par des exégètes passionnés et parfois passionnants, nous avons donné ici à entendre, et à voir, la parole de ses héritiers : la population aixoise.

« Je vois Cezanne les yeux fermés. » C'est ce que nous ont confié de nombreux et nombreuses résident · es de différents Ehpad de la ville. Cezanne est inscrit dans leur mémoire où se nichent une nature morte, une Sainte-Victoire, un portrait, le bleu de l'Estaque, un arbre... Depuis l'Ehpad où elle vit, Michèle nous a raconté que dans les moments de solitude – et ils sont de plus en plus intenses – elle ferme les yeux, elle voit un Cezanne, et ça la rassure. L'art comme réconfort est un manifeste en soi.

Les peintures qui peuplent cet ouvrage ont été réalisées par des résident · es d'Ehpad tous familiers de Cezanne, mais qui n'ont jamais tenu le moindre pinceau entre leurs doigts. Il en résulte un geste brut et innocent qui réactive un principe de vérité et rend hommage au peintre aixois. Derrière chaque pinceau tremblant, il y a l'histoire d'une vie fragile dont ces peintures émouvantes sont le reflet.

Aux résident · es, nous avons présenté les toiles emblématiques du peintre et d'autres plus secrètes ou moins connues. Bonnefrite a travaillé avec eux la couleur et servi de bras armé à ce bataillon d'estropiés merveilleux, perdant tantôt la vue, tantôt la dextérité, mais dont Cezanne aurait adoré à coup sûr la souveraine liberté que leur autorise leur âge

Direction artistique : Bonnefrite, Mohamed El Khatib
Photographie : Yohanne Lamoulère
Coordination artistique : Julien Lewkowicz, Camille Nauffray
Scénographie : Fred Hocké
Collaboration artistique : Rosalie Bonnemaison-Fitte, Lisa Lecuivre
Ateliers et médiation : Lucas Compagnoni et son équipe
Régie générale : Ichen Bouachraoui, Janvier Florio et l'équipe du Théâtre du Bois de l'aune

Avec la participation des résident. e. s de l'EHPAD Roger Duquesne, du Foyer Jas de Bouffan, de l'Hospitalité St Thomas de Villeneuve, de la Bosque d'Antonelle, de la résidence Villa Sophie, de la résidence Les Terrasses de la Pioline, de la résidence Le Sans souci et Aix en Vue.